[ÉDITO, ET DIT TÔT] Alpha Condé investi, exhorte « à oublier le passé », mais rouvre les plaies avec les pays voisins (Par Ousseynou Nar Gueye)

Ousseynou Nar Gueye, Directeur général d'Axes & Cibles Com, fondateur de Tract, éditorialiste

ET DIT TÔT – (Tract)- Le redoublant, ou plus exactement triplant président guinéen Alpha Condé, a exhorté ce mardi lors de son discours d’investiture à un troisième mandat controversé ses concitoyens à « oublier le passé » et à se tourner vers un « avenir d’unité et d’espérance ». « J’exhorte chacun d’entre vous à oublier le passé qui divise au profit d’un avenir d’unité et d’espérance », a-t-il déclaré, affirmant sa « conviction que la Guinée se fera avec tous les Guinéens », en présence d’un parterre de chefs d’Etats africains. Le hic, c’est que dans ce parterre de chefs d’Etat africains, il aura manqué certains des voisins immédiats les plus importants de la Guinée. En effet, Alpha Condé a déclaré persona non grata à son investiture les présidents du Sénégal, de la Guinée Bissau et de la Gambie. Macky Sall, Umaro Sissoco Embalo et Adama Barrow ont brillé par leur absence bavarde. C’est là un coup de canif à l’unité de la sous-région, et Condé ne prêche pas par l’exemple, « and doesn’t walk the talk », comme diraient les Anglo-Saxons. Le président bissau-guinéen Embalo est, il est vrai, en opposition frontale avec Alpha Condé, qui n’a pas non plus assisté à son investiture. Et dans Jeune Afrique, Embalo avait déclaré n’avoir « aucun respect » pour Condé. Des propos fort peu diplomatiques, sinon fort peu présidentiels. Pour ce qui est de Macky Sall, il paie sans doute sa proximité avec Embalo, qui est son poulain et qui a fourbi ses armes chez lui à Dakar, dans son domicile privé, avant de prendre le pouvoir à Bissau. « Les amis de mes ennemis sont les ennemis », a dû se dire Condé. Enfin, pour est qui de l’absence du Gambien Barrow, les raisons sont peu claires. Toujours est-il que Condé, qui gagnerait par exemple à faire enfin intégrer la Guinée à la zone CFA, avec une monnaie Eco qui est redevenue un serpent de mer pas près de voir le jour, ne promeut pas les intérets de son pays, en ouvrant ainsi des fronts belliqueux avec ses voisins de la zone CFA.

Condé se fait-il fort, de manière autarcique , de pouvoir se concentrer sur la Guinée et les Guinéens, pour ce troisième mandat dont on se demande bien à quoi il sert ? « Mais chacun doit respecter la loi et bannir de ses propos et de ses actes la violence, afin que notre pays demeure une société de liberté et de responsabilité », a-t-il averti, dans une allusion aux violences qui ont endeuillé les manifestations organisées depuis plus d’un an par l’opposition contre sa candidature à un troisième mandat. Sa démarche n’est en tout cas pas la bonne, car la crise politique guinéenne a des ramifications dans les pays de la sous-régions, où résident de fortes communautés de Guinéens, qui y ont tenu des manifestations après la proclamation des résultats de la présidentielle du 18 octobre. Notamment des Guinéens de l’ethnie peulhe ; à laquelle appartient son principal opposant Cellou Dalein Diallo. Condé aurait donc tout intérêt, et ce serait de sa part une vraie élégance d’homme d’Etat, que d’entretenir des relations apaisées avec les pays voisins, au lieu de raviver ainsi les tensions.

La Guinée a « besoin d’un véritable sursaut national afin de consolider notre commun désir de vivre ensemble, fondé sur l’intérêt national et le respect de nos institutions », a dit le chef de l’Etat de 82 ans, ancien opposant historique élu en 2010 puis réélu en 2015, dont l’opposition dénonce les dérives autoritaires. « Nous aspirons tous à un changement profond et rapide. C’est pourquoi il faut changer les pratiques et les méthodes. Nous nous engageons à lutter avec fermeté contre la corruption, le copinage et le clientélisme », a ajouté Alpha Condé. « Nous voulons désormais gouverner autrement, cela veut dire travailler pour les couches les plus vulnérables. Gouverner autrement, c’est servir le peuple. Les ministres et hauts fonctionnaires doivent être au service du peuple et non à leur service ou à celui de leur famille », a-t-il assuré. Changement ? La Guinée ne change pas avec Alpha Condé. Et elle ne changera pas. C’est reparti pour cinq ans de perdus pour la Guinée.

Ousseynou Nar Gueye

Fondateur du site d’information Tract.sn

Directeur général d’Axes & Cibles Com