Présidentielle et parrainages: Non à l’ostracisme contre « les candidatures fantaisistes » !

L’ET DIT TÔT d’O.N.G – Sait-on qu’en plus des candidatures d’Hillary Clinton pour le parti démocrate et celle de Donald Trump pour le parti républicain, il y avait ….28 autres candidats à l’élection présidentielle américaine de novembre 2016 ? Y compris des candidats de partis aussi « fantaisistes » que « le Parti de la marijuana légale maintenant », « le Parti américain de la nutrition », « le Parti des vétérans » ou « le Parti de la loi naturelle » ?

Avec la révision de la Constitution sur les parrainages soumise au vote des députés ce19 avril, le Président Sall est donc décidé à choisir contre qui il va en compétition devant les Sénégalais. C’est comme vouloir choisir à côté de qui on s’assied dans un car rapide. C’est du racisme de classe et de caste. Il faut s’insurger contre cette dictature d’une pensée répandue dans les chapelles politiques du Sénégal qui veut interdire les candidatures dites farfelues. Déjà, le terme de « filtrage » largement utilisé par les responsables au pouvoir pour désigner le futur blocage administratif des candidatures est un mot fasciste.

Tous les partis du Sénégal s’étaient entendu sur le dos des indépendants pour interdire pendant longtemps à ces derniers l’accès aux élections, sauf à celle présidentielle. Aujourd’hui, les mêmes partis s’étripent et jettent leurs partisans dans la rue et sur les ondes, car la minorité législative au pouvoir est actionnée pour empêcher certains partis de présenter un candidat à la présidentielle.

On ne peut pas justifier le projet de loi au Sénégal sur les parrainages citoyens par des contingences logistiques. Mettre en avant des questions de logistique comme l’impression de 7 millions de bulletins en papier par candidat pour bafouer des principes d’égalité démocratique n’est pas acceptable. Si c’est une question logistique, que l’administration sénégalaise importe des machines à voter électroniques, comme justement aux USA. Qu’elle fasse payer l’impression de bulletins papier par les candidats. Qu’elle fasse un bulletin unique pour tous les candidats. Ou qu’elle innove en faisant voter à partir des numéros de téléphones dont les détenteurs sont tous enregistrés, comme l’Afrique a innové en bancarisant sa population par la téléphonie mobile. Les solutions ne manquent pas, pour régler cette question logistique.

Cette dérive qui consiste à toujours mettre des restrictions autour de l’éligibilité à la présidentielle ne participe pas à la consolidation de la démocratie, ni à la pleine prise de conscience des électeurs, encore moins au libre exercice du droit des citoyens à se présenter à toute élection qu’ils veulent.

Ainsi, inscrire dans la Constitution sénégalaise les limites d’âge des candidats, avec 35 ans pour plancher et 75 ans pour plafond, est une atteinte à la démocratie. La France dont nous nous sommes inspirés pour établir un âge plancher, qui était de 23 ans dans ce pays, a ramené celui-ci à 18 ans en 2011 : un Français âge de 18 ans peut être candidat à l’élection présidentielle. Pourquoi pas au Sénégal ?

 Et pourquoi 75 ans comme âge plafond ? En Tunisie, Caid Essebssi a été élu démocratiquement Président de la République en décembre 2014 à l’âge avancé de 88 ans. Ses électeurs étaient en majorité les jeunes Tunisiens. Et rien ne montre jusqu’ici qu’il soit un chef de l’État défaillant.

Le parrainage par 500 élus en France pour être candidat à la présidence de la République n’est rien d’autre qu’un héritage de la IV République française. À l’origine en effet, le président de la République française était élu au suffrage universel indirect par un collège comprenant environ 80 000 grands électeurs. Ce collège était composé des parlementaires (députés et sénateurs), des conseillers généraux et d’élus municipaux. Afin d’éviter une trop grande inégalité dans la représentation des communes, les conseils municipaux des grandes villes désignaient des grands électeurs supplémentaires, tandis que la représentation des petites communes était limitée à leur seul maire. En ne prévoyant pas l’élection du chef de l’État au suffrage universel direct, la Constitution du 4 octobre 1958 de la Vème République française établie par le Général de Gaulle s’inscrit dans la tradition républicaine de ce pays. Les textes constitutionnels de la IIIe et de la IVe République avaient tous les deux exclu ce mode de désignation du chef de l’État, car il s’était soldé le 2 décembre 1851 par le coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte qui avait entraîné la chute de la IIe République. Notre Constitution sénégalaise  de 1963 qui prévoyait le parrainage par 50 citoyens dont 10 députés n’est rien d ‘autre qu’un héritage de cette IV République française, dont tout le personnel politique sénégalais d’après Indépendance avaient été les élus.  C’est en 1965 que la France organise pour la première fois sous la Vème République la désignation du chef de l’État par le  suffrage universel direct dans son pays, après que le Général de Gaulle ait fait adopter le principe de cette élection au suffrage universel direct par référendum en octobre 1962, en y introduisant cette disposition du parrainage des candidats par les élus. Un référendum, il faut le rappeler, auquel s’étaient opposé le Sénat et l’Assemblée national française. Refus des institutions représentatives auquel le président français avait répliqué par la dissolution de cette Assemblée nationale.

Au total donc, les gris-gris dont nous avons entouré la présidentielle sénégalaise en font :

  • une sélection qui promeut et promet à chaque fois un hypothétique Messie, qui n’existe pas.
  • un concours d’honorabilité, ce qu’il n’est pas.
  • Un écrémage où la participation des impétrants est basée sur l’argent, ce qui est anti-démocratique.

Il faut désacraliser l’élection présidentielle au Sénégal et arrêter de l’ériger en opération du Saint-Esprit. Ce ne doit être que l’opération de sélection du Sénégalais perçu comme le plus efficace pour faire avancer un agenda collectif de développement. Sélection qui ne doit pas empêcher les présumés hurluberlus d’y faire entendre leur son de cloche.

Ousseynou Nar Gueye