Crise USA- Mali ? La toute nouvelle ministre des Affaires Étrangères malienne Kamissa Camara prophétisait en 2016 « la fin du monde si Trump était élu »

En octobre 2016, le directeur de publication de Tract s’est entretenu avec Kamissa Camara, pour un portrait commandé par le magazine bruxellois Notre Afrik. Celle qui a été nommée hier lundi 10 septembre 2018 comme  nouvelle ministre des Affaires Étrangères et de la Coopération internationale du Mali s’arrachait alors les cheveux à la perspective, selon elle terrifiante, de l’élection de Donald Trump comme Président des USA, pays où elle résidait et travaillait alors. Depuis lors, beaucoup de tempêtes auront soufflé sous le plafond du bureau Ovale de la Maison-Blanche, mais le monde s’est survécu. Entretemps, IBK avait déja nommée Camara comme ambassadeur, conseiller diplomatique du Président. En prenant désormais à un poste clé de son gouvernement Kamissa Camara, 35 ans, (belle) spécialiste de la crise au Sahel, le Président malien IBK réussit là un very smart move, et renvoie son malheureux challenger Soumaïla Cissé dans le camp des has-been.

Voici le portrait que nous consacrions à la nouvelle cheffe de la diplomatie malienne en novembre 2016.

« Kamissa Camara : cerveau politique finance sociétés civiles »

[Malienne d’origine, elle est directrice adjointe de programmes pour l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest au NED, ONG créée par le Congrès américain en 1983 pour soutenir les sociétés civiles en matière de démocratisation et de bonne gouvernance].

En ce début novembre, mois de l’élection présidentielle aux USA, Kamissa Camara, 33 ans, aura peut-être vécu sa plus belle semaine – ou sa pire- : « Si Trump est élu à la tête des USA, ce sera la fin du monde » déclare celle qui est la coordinatrice du groupe de travail sur le Sahel pour la campagne d’Hillary Clinton. Cette implication politique signe bien l’intégration achevée de cette Franco-Américaine née de parents maliens, eux –même immigrants à Grenoble en France, pays qu’elle a quitté il y a neuf ans maintenant, à la faveur d’une « green card » obtenue à la loterie aux visas.

Intégration ? Ce n’est pas le mot quelle préfèrera. Si elle remercie la France de lui avoir offert de très bonnes études gratuites, elle n’en pense pas moins que ce que le pays de Marianne « fait de ses enfants en fonction de leurs origines est une autre question ». Cette aînée d’une fratrie de deux autres sœurs et d’un frère se contente de faire ce qu’on apprend aux premiers nés en Afrique : montrer la voie.

Au-delà de ses responsabilités formelles au NED (National Endowment for Democracy), elle travaille beaucoup à sensibiliser l’opinion publique américaine sur ce qui se passe au Sahel. Son bébé, le Sahel Strategy Forum mis en place en 2014 et initiative qu’elle a « vendue » au NED, co-animé par elle et par l’ex administratrice pour les affaires africaines de l’USAID, l’Africaine-Américaine Vivian Lowery Derryck, organise des débats ad hoc selon la disponibilité des dirigeants africains qui viennent à Washington. En présence d’ambassadeurs africains de la région Sahel, les ministres Mohamed Bazoum (Niger) et Abdoulaye Diop (Mali) y ont été reçus. Yacouba Isaac Zida du Burkina Faso y est venu, « pendant qu’il était Premier ministre » précise –elle. Le président Ibrahim Boubacar Keita du Mali n’est pas encore venu, pour des « problèmes d’agenda ». « Le Sahel est la région la plus incomprise du monde : on parle de problèmes sécuritaires et de rien d’autre » déplore Kamissa. Selon elle, il faut prendre en compte l’ethnicité, la religion et la culture : «par exemple, il faut comprendre que les Sonraïs du Mali et du Niger sont des cousins, qui se marient entre eux et traversent les frontières sans s’en soucier. Il ne sert à rien d’y envoyer les soldats américains. ».

En août 2012, Kamissa entre au NED en provenance de l’IFES (International Foundation for Electoral Systems) où elle s’est occupé de supervision des élections pendant quatre années. Elle est spécialement recrutée pour le programme Mali, pays qui vient de vivre un coup d’Etat, et commence en tant que chargée de programme Afrique de l’Ouest. Elle recherche des partenaires, rencontre le gouvernement et les acteurs des élections qui suivent le coup d’Etat. Bilan sur le Mali quatre ans plus tard ? Réticente, elle consent toutefois à dire que « ça ne va pas très bien. Il y a un problème de gouvernance et de leadership. La situation n’est pas que de la faute de terroristes ». Parce qu’elle reste « une fille du pays », il y a une tolérance tacite de ce qu’elle écrit régulièrement sur le Mali dans son site personnel (kamissacamara.com), où elle promeut le Sahel Strategy Forum.
Rapidement, au NED, elle est promue en tant que vice-directrice du programme Afrique de l’Ouest et Afrique centrale au bureau de Washington, unique antenne de l’organisation. Ce qui la contraint – elle est son équipe de 6 personnes- à beaucoup voyager sur le continent. Son travail consiste à élaborer les stratégies pays, entretenir de bonnes relations avec les bailleurs et les ministres des différents gouvernements, et enfin trouver des partenaires de la société civile pour la mise en œuvre d’activités.

Avec 8 millions de dollars annuels de budget pour l’ensemble de la région Afrique centrale et Afrique de l’Ouest, son plus grand portefeuille est la RDC, où le NED appuie plus de 50 partenaires de la société civile et espère « une sortie acceptable » de la crise politique liée à la tenue hypothétique de l’élection présidentielle en cette fin d’année. Dans les pays d’intervention, le NED rencontre des ministres, organise des rencontres closes entre majorité et opposition à l’étranger, où il plus aisé de les réunir. « On travaille dans des pays compliqués. Quand tout va bien, on n’a pas de raison d’y être ».

Ousseynou Nar GUEYE