La mendicité enfantine à Dakar : un business de près de… 5,5 milliards pour les marabouts des daaras

Sentract – Pour renforcer la lutte contre la traite des personnes au Sénégal, à travers une approche basée sur le changement de comportement positif et le leadership, l’Usaid, en partenariat avec l’Etat du Sénégal, avait lancé en 2013 le Projet de Lutte contre l’Exploitation etla Mendicité des Enfants Talibés (Plemet). Financé à hauteur de 360 millions FCFA, ce projet a couvert, dans sa première phase, les communes de la Médina, de Colobane-Fass-Gueule tapée, de Pikine Nord et de Diamaguène. Après 7 ans d’exécution, les différentes parties prenantes au projet ont organisé hier un atelier de restitution. Prétexte saisi par le coordonnateur du projet pour renseigner que chaque année, les talibés récoltent plus de 5 milliards FCFA.

Quiconque forcerait les enfants talibés à mendier sera passible d’une amende», avait lancé le Président Macky Sall en 2016, pour mettre en garde les maîtres coraniques. Malgré cet avertissement, les talibés continuent de sillonner les rues de Dakar à la recherche d’espèces sonnantes et trébuchantes. Derrière cette quête de pitance se cache une activité génératrice de revenus. En réalité, la mendicité rapporte 5,475 milliards FCFA chaque année, pour la seule région de Dakar. La révélation est du coordonnateur du Plemet, Issa Saka qui s’exprimait hier lors de l’atelier de restitution des résultats dudit projet. A l’en croire, les maîtres coraniques «reçoivent journalièrement 15 millions FCFA.

En effet, 30 000 enfants qui donnent 500 FCFA par jour, cela fait un total de 5,475 milliards FCFA». Une exploitation des enfants qui ne dit pas son nom. C’est pour lutter contre cette exploitation des enfants que l’Etat du Sénégal, en partenariat avec l’Usaid, avait mis en place en 2013 le Plemet qui a démarré avec deux communes pilotes : la Médina et Gueule Tapée-Fass-Colobane. Après deux ans de mise en œuvre, souligne monsieur Saka, le projet a connu des résultats probants avec une réduction de 66% de la mendicité dans ces deux localités. « C’est ainsi qu’on a étendu le projet au niveau de la commune de Pikine nord et de Diamaguène-Sicap Mbao en 2018», explique-t-il.

Financé à hauteur de 360 millions FCFA, soit 22 à 45 millions par commune, le projet a permis de mettre sur pied deux brigades de surveillance au niveau de Médina et de Gueule Tapée-Fass-Colobane. Il a permis également de créer une masse critique de Sénégalais prêts à changer de comportement au sein des quatre communes.

A cela s’ajoute la réduction de plus de 60% du nombre d’enfants talibés au niveau de ces communes. Issa Saka précise que le projet a permis également de cartographier quatre écoles au sein des quatre communes. Ce qui a abouti à la création de quatre associations de maîtres coraniques et d’associations de Ndeyu Daara (tutrice des talibés :NDLR) chargées d’aller récupérer l’aumône auprès des donateurs et de les redistribuer aux talibés dans leurs daara respectifs.

Mieux, monsieur Saka révèle que le projet a réussi à mettre en place deux maisons de la solidarité dans les communes de Gueule Tapée-Fass-Colobane et de la Médina. Entre autres résultats obtenus, on peut citer la prise en charge de 4 arrêtés municipaux interdisant la mendicité des enfants sur les territoires municipaux des 4 communes, ainsi que la rénovation de plus de 16 daara au sein des communes pilotées par le projet. Autant de réalisations qui poussent Issa Saka à demander l’extension du projet aux autres communes du pays. Et pour une harmonisation des résultats, il demande à l’Etat du Sénégal de renforcer l’application de la loi qui souvent fait défaut. «Au Sénégal, on a une loi qui interdit la mendicité des enfants depuis 2005, mais il y a toujours des limites dans la mise en œuvre. Donc, nous demandons à l’Etat d’aller vers la répression, puisqu’il s’agit ici de réprimer des personnes qui exploitent les enfants», a affirmé le coordonnateur du projet.

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