L’armée camerounaise accusée de 10 viols et d’un meurtre en zone anglophone

Tract – L’organisation internationale Human Rights Watch (HRW) a accusé vendredi l’armée camerounaise d’avoir violé au moins 20 femmes, dont quatre handicapées et d’avoir tué un homme le 1er mars 2020 dans une des zones anglophones en proie à un sanglant conflit séparatiste.

« L’attaque contre le village d’Ebam, dans la région du Sud-Ouest, a été l’une des pires perpétrées par l’armée camerounaise », opposée depuis près de quatre ans aux groupes armés séparatistes des deux régions de l’ouest peuplées principalement par la minorité anglophone camerounaise, écrit l’ONG dans un communiqué.

Des soldats ont capturé des hommes, tandis que d’autres se sont livrés à des agressions sexuelles contre des femmes. HRW assure aussi qu’un homme de 34 ans a été tué par des militaires dans une forêt entourant Ebam.

Des témoins ont déclaré que plus de 50 soldats sont entrés à pied à Ebam dans la nuit du 1er mars 2020 en représailles contre des civils suspectés de coopérer avec des combattants séparatistes et de les abriter.

« Cinq soldats portant un masque sont entrés chez moi (…) L’un d’eux a abusé de moi », a témoigné une femme âgée de 40 ans, citée par HRW.

« Il a dit: « Si tu ne couches pas avec moi, je te tuerai ! » J’avais trop peur pour dire ou faire quoi que ce soit », a-t-elle ajouté, affirmant s’être réfugiée par la suite deux mois dans la brousse.

Aucune des victimes de viol interrogées n’a pu recevoir de soins médicaux immédiatement après l’attaque en raison d’une série d’obstacles, notamment à cause du coût des traitements et la crainte de la stigmatisation et du rejet.

L’ONG a aussi déclaré que des soldats ont emmené au moins 36 hommes dans une base militaire, « où ils ont été roués de coups à plusieurs reprises, des passages à tabac d’une violence relevant de la torture ».

« Les autorités camerounaises devraient mener d’urgence une enquête indépendante sur l’attaque d’Ebam, avec le soutien de l’ONU et de l’Union africaine, et rendre ses conclusions publiques », a déclaré Ida Sawyer, directrice adjointe de la division Afrique à HRW.

Contactée par l’AFP, l’armée n’a pas souhaité réagir.

Les ONG internationales et l’ONU dénoncent régulièrement des crimes et exactions commis sur les civils par les deux camps, séparatistes armés et militaires, dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Ce conflit a fait plus de 3.000 morts et forcé plus de 700.000 personnes à fuir leur domicile.

Le 17 décembre s’est ouvert à Yaoundé le procès, aussitôt ajourné, de trois soldats pour les meurtres de 13 civils, dont 10 enfants, lors d’une opération à Ngarbuh, dans le Nord-Ouest, perpétrée 15 jours avant l’attaque d’Ebam. L’ONU avait dénombré 23 civils tués, dont quinze enfants et deux femmes enceintes.

Le régime du président Paul Biya, 88 ans dont plus de 38 au pouvoir, avait longtemps nié la responsabilité de son armée dans ce drame avant, sous d’intenses pressions internationales, d’ordonner une enquête et faire arrêter ces trois militaires.

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