[Note de lecture] Franchissements de Nathasha Pemba : Isolés dans le monde, mais tous ensemble !

[Tract] – Publié le 30 novembre 2020, Franchissements de Nathasha Pemba s’inscrit dans le prolongement de ses travaux sur le vivre-ensemble dans les écrits de Marie Gérin-Lajoie.

Par Baltazar Atangana Noah

 

C’est un ouvrage au style fluide, agréable à lire et à l’âme bienveillante, qui s’effeuille comme une manière de traité actuel sur l’importance vitale de l’altérité et de la rencontre. L’introduction d’un nouveau regard sur la dialectique de la relation par ces temps covidés.

Nathasha Pemba, qui aborde des sujets, qui sont des attitudes et des sentiments, que chacun d’entre nous devrait cultiver-comme l’écoute, la gratitude, la confiance, l’amour- afin de savoir tirer profit de l’Autre que le destin et nos trajectoires nous permettent de rencontrer, formule un questionnement visionnaire sur notre présence et notre réalisation au monde aujourd’hui. Une fois en contact avec nos semblables.

Il devient donc question, à partir de l’acte d’écriture de la philosophe, auteur également de Polygamiques et Les passants de Québec, de s’interroger sur ce qui est autre que nous, extérieur à nous, sur nos relations avec tout ce qui est autre, sur les moyens de le connaître, et sur la possibilité d’exister aussi sans lui, s’il constitue une fulmination pour notre épanouissement ou la construction de notre « identité globale ».

 

Vers un « nouveau-monde » : l’humain d’abord quand rencontrer l’autre devient une menace…

Dans un contexte où la covid-19 fait de nous des êtres isolés dans le monde, mais tous ensemble. Du fait de la progressive dissolution des contacts physiques et la mise en place d’un système communicatif tissé autour des différentes interfaces et réseaux digitaux, l’ouvrage de Nathasha Pemba relève l’urgence de redéfinir les paradigmes de nos rapports à tout ce qui est humain autour de nous. Et ce, en plein dans ce processus de construction d’un « nouveau-monde », sous l’ordre malveillant et malsain de la covid-19, où la peur de l’autre et la peur pour l’autre rendent complexe l’expérience de la rencontre. Ceci, parce que ce « nouveau-monde » a pour point de départ l’idée d’un individu solitaire, socialement anxieux. Qui, masqué, se confine et se méfie d’emblée de l’autre.

Franchissements nous incite à une prise de conscience des dépendances profondes qui lient chacun à tous. C’est un point vital, parce que d’un point de vue sociologique, cette pandémie pourrait générer de sérieuses inégalités intergénérationnelles, voire des ruptures sociétales.

Tout compte fait, l’ouvrage de Nathasha Pemba vient, dès lors, nous remonter les bretelles jusqu’au zénith en nous rappelant que nous ne pouvons plus penser notre être et notre réalisation au monde en tant qu’individu autonome. Eternellement confiné, qui rencontre les autres et les mondes à partir d’une lucarne digitale, uniquement. Subtilement. L’écrivaine de Pointe-Noire, désormais Messie contemporain, nous dit, sans tam-tam ni folklores, que nous sommes universellement, comme localement, interconnectés et interdépendants : unis. La covid-19 étant une illustration de l’importance du culte perpétuel du vivre-ensemble dans les différents mondes dans lesquels nous évoluons : car, nous sommes tous dans le même globe !

 

Pour la route, cet extrait de Franchissements :

« Les rencontres sont belles lorsqu’on en saisit l’essentiel. Les amis, c’est vrai, sont comme des étoiles…Même à minuit, même dans nos rêves, même le jour, leur lumière nous soutient, nous guide, nous encourage, nous stimule. On n’a pas peur de leur dire ce que nous portons parce que nous savons qu’ils ne nous jugerons pas ; leur vocation c’est de nous éclairer. Les amis écoutent et font ce qu’ils peuvent sans rien nous imposer…mais ils sont là, toujours là. Il suffit d’être attentif. (…) l’ami rayonne toujours en silence. » p.12

 

Baltazar Atangana Noah, dit Nkul Beti, est écrivain, critique littéraire et chercheur en littérature comparée. Il a publié Mixture (2014), Aux Hommes de tout (2016), Comme un chapelet (2019).

(noahatango@yahoo.ca)