Procès des « écoutes » : la défense veut « écourter » les peines de Nicolas Sarkozy faute de preuves

Nicolas Sarkozy, accompagné de son épouse Carla Bruni, quitte le tribunal de Paris, le 9 décembre 2020. © Martin Bureau, AFP

[Tract] – L’avocate de Nicolas Sarkozy, jugé pour corruption et trafic d’influence, a plaidé mercredi la relaxe pour l’ancien président, dénonçant un « désert de preuves » dans l’affaire dite des « écoutes ».

« J’ai l’honneur de défendre un justiciable dont l’une des particularités fut d’être aussi le président de la République. » Jacqueline Laffont, debout devant le banc de la défense, a entamé ainsi sa plaidoirie, mercredi 9 décembre, dans l’affaire des « écoutes » dans laquelle l’ancien président Nicolas Sarkozy est jugé pour corruption et trafic d’influence.

« Ce que nous attendons ici devant vous aujourd’hui, au terme de ce long parcours judiciaire, c’est une justice simple, une justice forte », lance-t-elle. « Celle qui recherche la vérité judiciaire, qui prononce la décision qui s’impose. Celle qui relaxera Nicolas Sarkozy. »

En face d’elle, les deux représentants du parquet national financier (PNF) qui ont requis, la veille, quatre ans de prison, dont deux avec sursis, à l’encontre de Nicolas Sarkozy, un fait sans précédent sous la Ve République.

Selon l’accusation, l’ex-président a bien obtenu en 2014, via son avocat Thierry Herzog, des informations couvertes par le secret auprès du haut magistrat Gilbert Azibert au sujet d’un pourvoi à la Cour de cassation, en échange d’un « coup de pouce » pour un poste de prestige à Monaco.

« J’ai attendu des réponses, des démonstrations, en vain », rétorque Me Laffont, dans le silence de la 32e chambre correctionnelle. La peine demandée « est aussi sévère que la démonstration fut faible. Or la sévérité n’a jamais crée la preuve ».

« J’ai une crainte », déclare-t-elle. Que « les anciennes responsabilités de Nicolas Sarkozy mais aussi, et peut-être plus encore, les dérives des procédures qui l’ont visé, n’aient condamné » les procureurs « à persister dans une voie qu’ils savaient sinistrée ».

L’affaire est « construite sur un socle de fausses vérités », affirme l’avocate. La première, selon elle, est l’idée que l’usage d’une ligne officieuse, ouverte par Thierry Herzog sous le nom de « Paul Bimuth » pour converser avec son client, correspondrait à des méthodes de « délinquant chevronné » – une formule utilisée en 2017 par le parquet dans son réquisitoire au cours de l’instruction.

Mais « les Whatsapp, Signal, Telegram et autres messageries cryptées » sont « les Bismuth de 2020 ! », glisse-t-elle. Et « parmi leurs utilisateurs », il y a « des magistrats, des policiers… »

« Plans sur la comète »

Devant elle, l’ex-chef de l’État, assis jambes croisées, acquiesce régulièrement. À ses côtés, Thierry Herzog hoche parfois la tête ; Gilbert Azibert écoute, impassible. Dans la salle, de nombreuses robes noires, des journalistes et des proches de Nicolas Sarkozy, dont sa femme Carla Bruni, venue pour la première fois au procès.

Au cours de sa plaidoirie de deux heures et demie, Me Laffont veut démontrer que les trois hommes n’ont pas eu accès à des informations confidentielles, mais seulement à des documents qui n’étaient pas soumis au secret du délibéré. Gilbert Azibert n’a par ailleurs pas tenté, plaide-t-elle, d’influencer des magistrats.

De « contrepartie », il n’en existe pas : si Nicolas Sarkozy a été à Monaco début 2014, c’était un « pur hasard » et il n’a finalement fait aucune « démarche » auprès des autorités monégasques, soutient-elle.

Les conversations interceptées entre Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog, au cœur du dossier ? Des « bavardages » entre « deux frères » qui « sont en train de faire des plans sur la comète, de lire dans le marc de café », ironise-t-elle.

Surtout, malgré une « débauche d’investigations », « on nage dans les hypothèses », insiste-t-elle. Dans les mails, agendas, auditions, relevés téléphoniques, c’est « un désert de preuves ».

« On apporte des faits et le parquet des hypothèses : c’est le monde à l’envers », s’agace-t-elle, dénonçant une « subversion du droit ». « On nous demande presque d’apporter la preuve impossible de notre innocence. »

Au final, « ce dossier, c’est celui de quelques interceptions téléphoniques entre un avocat et son client ». Des écoutes par ailleurs « illicites et scandaleuses », estime Me Laffont, parce qu’elles violeraient le secret professionnel.

Elle conclut : « On est à des années lumières d’un pacte de corruption ».

« Il faut accepter de dire que la justice est faillible, qu’elle a pu se tromper, se fourvoyer », ajoute-t-elle. « Parce que vous êtes les représentants de cette justice libre et impartiale, vous relaxerez M. Sarkozy. »

Les plaidoiries doivent se poursuivre ce jeudi 10 décembre.

Avec AFP 

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