SALON NDADJÉ : La Programmation musicale pour une identité radiophonique

Sentract – Dj que l’on ne présente plus, ayant surtout frappé les auditeurs dakarois, amoureux de bons sons, comme nulle part ailleurs, Mister Coco Jean, ainsi appelé affectueusement par l’un de ses collègues, a disserté avec les journalistes culturels sélectionnés pour participer aux rencontres-formations du Salon Ndajé, une initiative de leur confrère Alioune Diop, en partenariat avec le Goethe Institut Dakar, de l’importance de « La programmation musicale selon le format radiophonique ». Fondateur des chaînes sur le net : Radiolive45 Hip-hop mb Afro, Radiolive45 Galsen, Radiolive45 Légende (100℅ rétro, Old school, Radio We love Mbalax, l’homme a étudié aux États-Unis au Howard University, Washington DC où il y est diplômé en Media & Communication Program. Une compétence unanimement reconnue dans le milieu. La rencontre s’est tenue dans les locaux d’ITV, sise au Point E, le 22 novembre 2021, en présence de M. Diop et des représentants de l’institut  culturel allemand.

 

Par la (nature de) la (sa) programmation musicale, une radio est ou n’est pas. De même, « sans programmation musicale, on ne fait pas vraiment de la radio ». Voilà comment on peut risquer un résumé d’ensemble du propos du talentueux animateur Jean Latyr Senghor alias Coco Jean. L’homme qui a longtemps fait le bonheur de Radio Nostalgie Dakar et de ses auditeurs porte une analyse critique sur le comportement musical – dirait-on – de la bande Fm, notamment à travers (la qualité de) la programmation.

Il urge surtout de savoir « ce que l’on va diffuser et surtout ce que l’on ne va pas diffuser ». Et pour cela, celui ou celle qui a le projet de fonder une radio doit impérativement connaître le genre désiré. Condition préalable pour connaître le type d’auditeurs dont vous avez besoin. Et ainsi de définir la programmation musicale qu’il faut, en conséquence. L’exemple le plus intéressant est celui de Radio Nostalgie Dakar. La programmation intégrait dans sa composante, à la fois, ce que l’on appelle dans le jargon un Gold (comme Seven 7), un Hit (une chanson qui nous marque), un Récurrent (un ancien Hit), un Brûlant (un tube qui vient de sortir et qui marche). Cela, toutes les quinze (15) minutes. Une démarche qui fidélise les auditeurs de tranches d’âge différentes.

L’animateur devra aussi prendre conscience que les tubes du passé ont beaucoup plus de succès que les nouveautés puisque ceux qui écoutent connaissent bien ces vieux tubes, et sont en nombre plus importants. Le danger de mettre des nouveautés pendant une ou deux heures, c’est de courir le risque de voir beaucoup dans cette famille d’auditeurs changer de chaîne et peut-être de ne pas revenir, explique Coco.

Le journaliste Alioune Diop et l’animateur Coco Jean, lors de rencontre Ndadjé – initiée pour les journalistes culturels sélectionnés pour cette participation – tenue dans les locaux d’ITV, sise au Point E, le 22 novembre 2021, en présence des représentants de Goethe Institut Dakar.

 

Une démarche qui va de pair avec l’habillage. Celui-ci doit marquer les auditeurs. « Il est à l’image de l’émission et est aussi un facteur très important. S’il n’est pas bien fait, ça devient extrêmement monotone », explique Coco Jean qui donne pour exemple la diversité des tubes Juke Box à succès de l’ex-radio Nostalgie. L’on doit ainsi veiller à ce que ce que l’on a écouté le lundi ne soit pas la même chose le lendemain. «  Tu peux faire une émission qui cartonne le lundi. Seulement, le mardi, il te faudra l’oublier et faire autre chose qui marque. Si tu ne le fais pas, tu recules », soutient-il.

Pointant du doigt cette fâcheuse habitude chez les animateurs de la bande Fm au bavardage à l’antenne, Coco Jean à rappelé cette belle méthode appelée Intro dj et Out dj, consistant respectivement à introduire la chanson avant l’arrivée de la voix du chanteur et à accompagner de quelques paroles la fin du titre sans entamer le plaisir du mélomane. « Si, par exemple, Youssou Ndour voulait que tu chantes avec lui sur ses chansons, il t’aurait invité au studio d’enregistrement », lâche-t-il. De là sort ce qu’il nomme la personnalité de l’animateur, dérivée de son style propre. « Qu’est-ce que je vais dire ? Et comment je vais le dire ? ». Telles doivent être les questions essentielles que l’animateur doit se poser, d’après lui. Une exigence qui amène à faire la distinction entre la voix de celui-ci en dehors du studio et celle qu’il a (ou doit avoir) une fois dedans. Il y a donc, à entendre Coco Jean, nécessité de former les animateurs, sinon on court un grand danger, parce que la radio est un médium très sensible ; on ne doit pas dire n’importe quoi à l’antenne. « Avant de donner une licence à quelqu’un, l’on doit se demander : Est-ce que son personnel est formé ? Comment il a été formé ? Quel était le contenu de la formation ? », dira-t-il.

Toujours dans les exigences du métier d’animateur, l’esprit d’organisation ; elle est donc nécessaire. « Une émission, ça se prépare sérieusement et avec professionnalisme, à l’image de Couleurs Tropicales de Claudy Siar sur Rfi. C’est toute une équipe qui est derrière. Malheureusement, chez nous nous n’avons pas cette conscience », se désole-t-il.

La question de la floraison des stations radio a aussi été soulevée par Coco Jean. Selon lui, la tendance au Sénégal est de créer une radio  pour en concurrencer une autre. Ou une émission pour en casser le succès d’une autre. « Il faut avoir le courage de proposer autre chose », lance-t-il. Une triste réalité dans un environnement social et médiatique dominé par la politique. « Aujourd’hui, même le rap est devenu politique », constate-t-il amèrement. Ainsi, exceptée Radio Nostalgie qui a mis la clef sous le paillasson – puisqu’avec la naissance de nouvelles stations commerciales, les annonceurs ont préféré suivre la migration de l’audimat -, il n’y que Vibes Radio et Trace qui proposent pleinement de la musique, regrette Coco Jean. L’audimat, c’est de l’argent.  Il n’y a plus de radio où l’on peut écouter de la bonne musique.

Bassirou NIANG