[Tribune] Affaire Ousmane Sonko : « Le prix de la vérité » (par Momar-Sokhna DIOP)

Ousmane Sonko, leader du Pastef.

[Tract] – L’affaire Ousmane Sonko/Adja Sarr a déjà causé beaucoup de dégâts matériels mais surtout psychologiques. Comme l’effet d’une bombe, elle a secoué tous les Sénégalais quel que soit leur localité, leur âge, leur sexe et leurs appartenances religieuse et politique. 

    Même si aucune hypothèse ne doit être écartée, celle d’un complot politique reste privilégiée. Il faut l’avouer. Suite à la inattendue transhumance d’Idrissa Seck et de la plupart des opposants potentiels du pays, Ousmane Sonko devient le seul crédible leader de l’opposition.  Il dérange le régime dont il ne cesse de dénoncer et de prouver la mal gouvernance. Il dérange les sénégalais qui, sans vergogne, profitent du système, des marchés et deniers publiques. Il gène également les multinationales néocolonialistes qui ont toujours la mainmise sur les ressources naturelles et minières du Sénégal. 

    Je rappelle qu’Ousmane Sonko fait l’objet d’une plaine qui l’accuserait de « Viol à main armée » sur la personne d’Adja Sarr, employée chez Sweet Beauté, un institut que fréquentait Ousmane Sonko pour des séances de massage de son dos. 

    Vrai ou faux, cette accusation fait couler beaucoup d’encre. Partout dans le monde, des Sénégalais s’indignent, s’inquiètent, se posent des questions, manifestent et s’organisent pour dénoncer ce qu’ils qualifient de complot. Il y a également les partisans de la présumée victime qui dénoncent l’impunité dont bénéficient de nombreux responsables politiques soupçonnés de comportements délictueux voire criminels. 

    Quant au pouvoir, il s’exprime grâce aux institutions dont le ministère de la justice qui s’est saisi de l’affaire et qui a demandé à l’assemblée nationale de lever l’immunité parlementaire du député Ousmane Sonko afin que la justice puisse l’entendre. Evidemment, c’est du pain béni pour l’assemblée nationale collaboratrice du système et qui dispose d’une majorité souvent qualifiée de majorité mécanique. L’assemblée nationale a enclenché la procédure de levée de l’immunité parlementaire d’Ousmane Sonko. 

     L’affaire Ousmane Sonko va être difficile à trancher. En effet, ses partisans auront du mal à accepter une décision défavorable de la justice sénégalaise qu’ils jugent partisane et corrompue. L’affaire Khalifa Sall laisse toujours un goût amer. Très amer.

     En tous les cas, si Ousmane Sonko s’en sort blanchi, on dira tout simplement qu’il a échappé à ce nième piège qu’on lui a tendu. Et il y’en aura d’autres. En revanche s’il est inculpé l’espoir d’une jeunesse et de tout un peuple s’envolera encore une fois. Le Sénégal mettra du temps, beaucoup d’années à redorer son image et les politiciens auront des difficultés à est être crédibles.

     En effet, l’Affaire Mamadou Dia avait coûté à ce patriote, 11 années d’incarcération mais avait couté au Sénégal une indépendance ratée. Et depuis 1962, le pays s’enfonce dans la dépendance et ses conséquences dont la pauvreté, la mal gouvernance et la dégradation de toutes les institutions du pays. 

    Je rappelle que ce qui est en jeu n’est pas seulement les personnes d’Adja Sarr et d’Ousmane Sonko. Ce n’est pas non plus la crédibilité du régime au pouvoir. C’est l’avenir de toute une nation qui a beaucoup de mal à s’inscrire sur les voies de l’émergence pour emprunter le terme à la mode. 

    Le Sénégal est un pays qui regorge de ressources humaines, naturelles, minières et spirituelles mais qui a du mal à les exploiter en faveur des populations. Il s’agit d’un diagnostic que j’ai clairement établi dans un ouvrage « Sénégal, diagnostic d’un pays candidat à l’émergence ». Les ressources du pays sont souvent bradées, gaspillées voire pillées par une minorité de privilégiés qui mettent tout en œuvre pour confisquer le pouvoir. 

     Comme le recommandait le juge Kéba Mbaye, «  l’essentiel, c’est de sortir de cette situation, en sauvegardant l’intégrité de notre territoire, l’indépendance de notre cher Sénégal, les conquêtes démocratiques de notre peuple et l’intangibilité de notre constitution ».  Cela ne peut être l’affaire d’un seul homme, ni même l’affaire d’un seul parti. C’est le devoir de tous les Sénégalais de faire preuve de maturité, pour sauvegarder notre pays et assurer son développement harmonieux, selon notre propre formule de vie. Il faut que chacun de nous enterre ses ambitions personnelles et oublie les vieilles querelles, pour se ceindre les reins, au nom de l’intérêt exclusif de la nation. 

     Il faut que le régime accepte le principe de l’alternance. Une alternance sans arrière-pensée. Une alternance transparente et juste grâce aux urnes. 

     Les années passent et les Sénégalais ont toujours l’impression que rien ne changent dans le bon sens. Ils ont toujours du mal à vivre mieux, à accéder à l’éducation, à la santé et à une vie descente. 

     Le Sénégal est devenu une société d’indisciplinés, de corrompus, d’égoïstes, de fraudeurs. Une telle société est vouée à l’échec. Le Sénégal doit tout mettre en œuvre pour éviter de tels comportements qui le gangrène davantage.

     Kéba Mbaye rajoute que « le travail et l’éthique doivent être les seuls outils du développement véritable du Sénégal ». Les Sénégalais doivent les ériger en principe premier s’ils veulent sortir des difficultés auxquelles ils se trouvent confinés depuis les soit disant indépendances. 

     Il n’est pas trop tard pour agir. Tous les Sénégalais doivent se mobiliser pour exiger la vérité ; rien que la vérité sur cette affaire Adja Sarr /Ousmane Sonko car c’est un tournant essentiel pour l’avenir politique du Sénégal. 

 

Momar-Sokhna DIOP/ professeur d’économie-Gestion Ecrivain.