[Tribune] FOCUS SUR LA RESOLUTION DU G7 CONCERNANT LES VACCINS CONTRE LA COVID-19 (Par Caroline Meva)

Sentract – Le 47e sommet du G7 s’est tenu au Royaume-Uni à Carbis Bay en Cornouailles du 11 au 13 juin 2021. Le G7 ou Groupe des 7, réunit les 7 pays les plus puissants du monde, notamment l’Allemagne, le Canada, les Etats-Unis, la France, l’Italie, le Royaume-Uni, et le Japon. L’une des résolutions prises au cours de ce sommet est l’octroi d’un milliard de doses de vaccin contre la covid-19 aux pays les plus pauvres du monde, à travers la plateforme Covax, afin d’éradiquer totalement cette pandémie. Ceci suppose que le G7 maîtrise l’évolution de ce virus et de ses variants, sinon, comment expliquer cette assurance, cette confiance aveugle faite aux vaccins ? Le G7 est une instance qui organise et qui décide de la marche globale du monde. Il décide de tout sur le plan économique, politique, social, et même sur le plan éthique et moral : ils décident des normes à appliquer par tous dans tous les domaines ; ils décident de ce qui est bon ou mauvais, qui est fréquentable ou non. 

 

Le G7 a décidé d’octroyer un milliard de doses de vaccins aux pays les plus pauvres du monde, dont la majorité se retrouve en Afrique. L’OMS estime, quant à elle, que cette quantité est insuffisante et table plutôt sur 11 millions de doses. L’on est sidéré, et quelque peu sceptique devant cet élan d’altruisme et de « générosité », car l’expérience nous montre que les mots « générosité » et « gratuité » ne font pas partie du vocabulaire usuel du G7. La question de la gratuité n’est pas à l’ordre du jour ici, car nous savons par expérience que tous les « dons » venant du G7 sont, en fin de compte, payants, d’une manière ou d’une autre. Le milliard de doses dont il est question, ne sont pas à proprement parler des « dons », au sens strict du terme, mais l’opération pourrait plutôt être assimilée à une vente forcée.

L’on se retrouve devant le schéma classique : le G7 décide et ordonne, les pays pauvres et le reste du monde exécutent servilement, et les populations pauvres, à qui ces vaccins sont destinés, n’ont pas leur mot à dire. C’est à peine si on leur explique ce que c’est qu’un vaccin, ainsi que l’avantage qu’il y a à se faire vacciner. Personne ne répond non plus à leurs questions courantes qui sont les suivantes : 

– L’OMS pose déjà le problème de l’insuffisance de doses de vaccin, par conséquent, qu’est-ce qui garantit à ces populations qu’ils auront effectivement la deuxième ou la troisième dose après la première ? 

– Existe-t-il des structures idoines, techniquement fiables pour vérifier et garantir l’innocuité des vaccins livrés en Afrique ?

– Pendant combien de temps est-on immunisé par le vaccin anti-covid-19 ?

– Le vaccin reçu sera-t-il efficace sur les variants existants et futurs du virus. Sinon, ne court-on pas le risque de s’engager dans un cycle infernal d’un vaccin pour chaque variant, tous les 6 mois ou chaque année ?

De toute façon, que les populations se fassent vacciner ou non, les Etats africains continuent à s’endetter pour l’achat des vaccins auprès des pays du G7. Ces derniers, en fin de compte, sont gagnants sur toute la ligne ; ils vont récupérer les fonds prêtés, les intérêts en sus. En revanche les pays africains, une fois de plus, vont se retrouver criblés de dettes. L’on est porté à croire que les dirigeants africains se sentent obligés de se soumettre au diktat des pays du G7, probablement par peur des sanctions et autres représailles, ou pour être maintenus le plus longtemps possible à la tête de leurs Etats.

 

L’on constate, par ailleurs, que le G7 n’occupe plus une position de monopole par rapport au reste du monde. La guerre pour le leadership du monde est bien engagée. On assiste à un affrontement entre le bloc occidental constitué par les pays du G7 d’un côté, et de l’autre le bloc de l’Est formé par la Chine et les BRICS, à savoir le Brésil, la Russie, l’Inde, et l’Afrique du Sud. La Chine et la Russie ont été critiquées par les pays du G7 lors du récent sommet. La Chine a lancé l’ambitieux projet des « Nouvelles routes de la soie » (par référence à l’ancienne route de la soie qui a existé au temps de Marco Polo au 14e siècle), dont le bénéfice économique et politique est non négligeable. L’objectif de ce projet est de relier la Chine à l’Europe et au reste du monde par un réseau de voies terrestres et maritimes.

Pour contrer ce vaste projet et relever le défi, le G7 envisage de lancer un plan d’infrastructures pour le climat, la santé, le numérique et la lutte contre les inégalités, afin d’aider les pays pauvres à se relever de la pandémie du covid-19. Toutefois, il y a lieu d’espérer que tous ces projets ne seront pas des vœux pieux ou un coup d’épée dans l’eau. Il y a lieu d’espérer également que les pays africains parviendront à tirer profit de la concurrence entre les deux blocs, qui établit une sorte d’équilibre des forces en présence. Ces pays pourraient trouver un appui chez l’un, lorsqu’ils sont agressés ou brimés par l’autre, et échapperaient ainsi aux affres de la dictature qui pourrait résulter de la domination absolue de l’une des parties sur le monde. Les pays africains sauront-ils jouer en leur faveur de cet équilibre des forces ? L’espoir est permis, l’idéal étant, tout de même, qu’ils s’affranchissent de toutes les chaînes qui les maintiennent sous la domination des puissances étrangères.   

 

Caroline Meva est une retraitée de la Fonction Publique camerounaise. Passionnée de littérature et de philosophie, elle a publié le roman Les exilés de Douma (3 tomes en 2006, 2007 et 2014). Les Supplices de la chair, publié en 2019 aux Editions Le Lys Bleu, est son dernier fait littéraire dans lequel elle raconte l’histoire d’une femme qui a mené une vie entre luxure et sacrifices parfois inhumains, pour se sortir de la pauvreté endémique de son quartier Nkanè. 

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