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Voici Babacar, 32 ans, chanté enfant par France Gall

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Il vit aujourd’hui à Gandiaye. Enfant, il a croisé le chemin de la chanteuse, en 1986. Et inspiré l’un de ses plus grands succès, « Babacar ».

Grand, mince, 32 ans, il se tient droit et fier devant l’enceinte du mur de parpaings gris qui protègent la maison familiale. « Est-ce bien vous le fameux Babacar du tube de France Gall ? – Oui, c’est moi ! » confirme-t-il. Après plus de quatre heures de route depuis Dakar, j’ai enfin réussi à débusquer le héros de la chanson.

« Ecoutez-moi, j’accepte de parler puisque vous êtes là, mais il n’y aura pas d’autre fois ! Prévenez vos confrères. » Malgré la voix douce, le ton est ferme et déterminé. Sait-il que les admirateurs de la chanteuse ne manquent pas de fredonner « Où es-tu ? Où es-tu ? » à chaque fois qu’ils entendent les syllabes de « Ba-Ba-Car » ? « Où je suis ? Je suis ici, à Gandiaye, lance-t-il avec humour. Et je connais la chanson. Par cœur, même. Grâce à elle, j’imagine ce jour où ma mère a rencontré France Gall… »

Justement, sa mère de 52 ans, Fatou, se souvient du moment où la chanteuse s’est arrêtée dans son village. « A l’époque, je travaillais dans le petit restaurant de ma tante, raconte-t-elle. Un jour de janvier 1986, un taxi s’est arrêté devant notre échoppe. France Gall avait soif. Elle m’a dit : “Ton enfant est très beau.” En plaisantant, je lui ai répondu qu’elle n’avait qu’à l’adopter. Elle a fait mine d’accepter, nous en avons ri puis elle m’a prise en photo et est repartie. » Un souvenir qui ne colle pas avec la rencontre rapportée par la presse de l’époque où Fatou était décrite comme une jeune mère désespérée et sans ressources prête à abandonner son fils.

 « J’ai longtemps été très en colère au sujet de cette version, et si heureuse maintenant de pouvoir enfin rétablir la vérité. Je n’ai jamais songé à donner Babacar. Jamais ! Avec mon mari, Saloum, nous vivions chichement mais nous avons toujours eu assez pour élever nos trois autres enfants Bella, Omar et Diara. » L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais c’était sans compter la trace indélébile laissée par la jeune mère et son enfant dans l’esprit de l’artiste. « Huit mois plus tard, poursuit Fatou, un chauffeur de taxi a débarqué à Gandiaye avec l’agrandissement de notre photo réalisée par France. Il m’a expliqué que celle-ci nous attendait au Méridien. Un peu méfiante, car on ne voyait pas souvent des Européens, j’ai demandé à deux membres de ma famille de m’accompagner. » Arrivée à l’hôtel, même si elle n’a aucune idée de la notoriété de France Gall, Fatou comprend qu’il s’agit d’une personnalité puisque la star sénégalaise Youssou N’Dour l’accompagne. « La conversation a duré quelques heures. France m’a expliqué qu’elle était revenue pour m’aider. Elle m’a proposé de prendre en charge une formation de couturière, la nourriture et mon logement à Dakar. J’avais l’impression de rêver. C’était la seconde, et dernière fois, où je l’ai vue… »

 France avait des projets pour Babacar. Elle souhaitait qu’il soit bien éduqué, qu’il réussisse dans la vie. Et pourquoi pas, qu’il devienne président !

Quelques semaines plus tard, Fatou s’installe au second étage d’un immeuble du quartier populaire de la Médina. Rien n’a été laissé au hasard : l’appartement spacieux de trois pièces avec balcon a été meublé, du riz et du poisson sont livrés plusieurs fois par mois et une nounou veille sur le petit Babacar quand la maman se rend à ses cours de l’école Singer. Pour éviter d’être rançonnée par des membres de sa famille, elle raconte qu’aucune somme d’argent ne transite entre ses mains. En échange de cette nouvelle vie, la jeune femme de 20 ans doit respecter une règle stricte : n’héberger personne chez elle. Chargé de veiller au grain, un avocat dakarois, Moustapha Seck, rend des visites impromptues aussi bien dans l’appartement qu’à l’école et remet des courriers que France écrit régulièrement à sa protégée. Les années passent. Fatou apprend différentes techniques de couture. Un passeport à son nom lui est même attribué car, une fois son diplôme obtenu, il est question qu’elle et son fils viennent en France. Tout se passe bien pendant trois ans, à un détail près : Fatou souhaite entrer en contact directement avec France Gall. Mais Me Seck s’y oppose fermement. « Je suis ton seul et unique interlocuteur », lui rappelle-t-il, comme un avertissement. Jusqu’au jour où l’artiste se produit en concert au centre culturel français de Dakar.

Bravant l’interdit, elle s’y rend avec son fils mais ne parvient pas à l’approcher. Prévenu, l’avocat ne tergiverse pas et somme la couturière de quitter l’appartement. Selon elle, il aurait rapporté à France qu’elle n’avait pas respecté le contrat. « Comme je suis restée deux mois de plus, la propriétaire est arrivée et m’a demandé de payer le loyer. Je n’en avais pas les moyens. Elle a alors saisi le réfrigérateur, la table, les chaises, l’armoire, et moi, je suis repartie. » Je l’interromps et lui soumets des coupures de presse où l’on raconte qu’elle n’a pas respecté le contrat moral la liant à France, d’autres où on laisse entendre qu’elle s’occupait mal de son fils. En particulier, le témoignage d’une certaine Rama qui s’était exprimée dans « Le Parisien » lors des obsèques de la chanteuse le 13 janvier dernier, racontant qu’elle avait été la nounou de Babacar à la demande de France Gall. Qu’elle l’avait hébergée et lui avait permis de venir en France. Regard circonspect sur la photo de l’article, la réponse tombe : « Je n’ai jamais vu cette femme. C’est une pure invention. Je suis certaine que l’avocat n’a jamais dit la vérité à France concernant ma volonté de la rencontrer. Peut-être a-t-il fait passer ses intérêts personnels et envoyé en France d’autres personnes à ma place dont il était proche ? »

J’ai vu France Gall une seule fois. Je voulais savoir qui elle était et lui dire un grand merci majuscule. C’est très beau d’être un Africain chanté par une artiste française de renommée

Impossible aujourd’hui d’avoir la réponse, Moustapha Seck est décédé il y a cinq ans. « C’était une figure, se souvient Me Camara, avocat à Dakar. Il a été bâtonnier de l’ordre de 1977 à 1981 et a été très courageux lors de procès politiques. J’ai du mal à imaginer une quelconque magouille de sa part. »

Pendant ces quinze dernières années, Oumar Traoré a été l’homme de confiance sénégalais de la chanteuse. Il tente de poser un regard objectif sur Babacar : « France avait des projets pour lui. Elle souhaitait qu’il soit bien éduqué, qu’il réussisse dans la vie. Et pourquoi pas, qu’il devienne président ! Mais le sort en a décidé autrement et elle n’a plus souhaité intervenir dans sa vie. Bien sûr, chacun a sa version mais, d’après ce que je sais, il y a une grosse part de responsabilité de la part de ses parents… » France avait-elle pris des dispositions pour celui qu’elle appelait son « fils » il y a trente ans et lui a-t-elle proposé un job dans son restaurant de Dakar ? « Je n’en sais rien. Mais si je devais l’employer dans le Noflye Beach, ce sera une discussion entre nous deux et ce n’est pas à vous que j’en parlerai. »

Interrogé, Babacar tranche : « C’est la version de ma mère ! Moi, je ne pense pas que l’avocat soit responsable. J’ai vu France Gall une seule fois. Je voulais savoir qui elle était et lui dire un grand merci majuscule. C’est très beau d’être un Africain chanté par une artiste française de renommée. A mon retour, je n’en ai pipé mot à personne. Trop discret, c’est ma nature. Je l’ai rencontrée sur l’île de N’Gor car j’avais appris qu’elle y séjournait régulièrement dans sa maison. C’était en avril 2015. Elle m’a serré si fort dans ses bras qu’elle en a toussé. Elle m’a posé toutes les questions qu’on demande à quelqu’un qu’on a presque jamais vu mais que l’on tient bien au chaud dans son cœur. Je n’ai pas osé aborder le sujet de ma mère et notre départ de l’appartement … »

Supporter de l’équipe de France, il est fan de Kylian Mbappé

Mais alors, pourquoi France a-t-elle déclaré en novembre 2015 dans « Le Parisien » au sujet de Babacar : « Je ne sais pas ce qu’il fait… Il est en vie. Quand je l’ai vu en 1985, il avait 1 mois, maintenant il a 30 ans. » Envie de garder ces rencontres secrètes ? Volonté de le protéger des médias ?

A N’Gor, on a beau interroger les habitants de ce microcosme aisé d’une centaine d’habitants, personne n’a eu vent du passage de Babacar. Tous louent encore la gentillesse et l’aide qu’avait apporté sur place France aux enfants. Quand beaucoup la pleurent, d’autres s’inquiètent de voir les traces de sa présence disparaître. Son fils Raphaël n’aurait jamais vraiment goûté les douceurs de ce paradis. Cela fait d’ailleurs un moment qu’on ne l’a pas aperçu dans l’îlot. Quant à la maison composée de quatre bâtiments face à l’océan Atlantique, celle-ci semble pleurer elle aussi sa défunte propriétaire, creusant des sillons de sel sur l’ocre délavée de ses façades. Babacar affiche sa volonté de vivre loin des trompettes de la renommée.

Agent national de sécurité quelques jours par semaine, payé 80 euros par mois, il assiste la gendarmerie dans le maintien de l’ordre et du contrôle des automobilistes. Il s’est marié l’année dernière et, en bon musulman pratiquant, espère avoir cinq ou six enfants. Pour l’heure, en attendant que Dib, sa femme de 21 ans, finisse ses études et le rejoigne sous son toit, il retrouve le soir ses copains pour des parties de foot. Supporter de l’équipe de France, il est fan de Kylian Mbappé. Il confesse fumer des cigarettes, boire des litres de thé et cuisiner. Ses autres passions tournent autour des romans policiers et historiques ainsi que des clips de rap français. La Fouine, Black M, Booba, Sexion d’assaut n’ont pas de secret pour lui. « J’espère avoir la chance de rencontrer Raphaël, le fils de France, que je considère comme un frère. Mais je veux qu’il sache que jamais je ne le dérangerai s’il ne souhaite pas me rencontrer. Pour le reste, je ne regrette rien. Pas même de n’être jamais allé à Paris avec ma mère. Il faut accepter les choses telles qu’elles sont ! »

Aujourd’hui, plus aucune trace pour attester de l’étonnante histoire entre France, Babacar et sa mère. A force d’emplois de femme de ménage dans différents villages, de nombreux déménagements, elle a fini par égarer les dizaines de lettres qui s’achevaient invariablement par un « Je vous aime, je vous adore » de sa protectrice. Aucun cliché n’a été pris lors de leur entretien au Méridien. En avril 2015, Babacar aurait voulu prendre un selfie mais France a décliné arguant de sa mauvaise mine. Qu’importe ! Fatou et Babacar chérissent ces souvenirs qui ont bouleversé leur vie et embelli leur destin.

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